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Dessiner des anamorphoses
9 juin 2022

Méthode d'obtention des plans au sol, objets étudiés, ombres et conseils

     Comme je l'ai expliqué ci-dessus, mon intention est d'offrir, via ce blog, à ceux qui voudraient dessiner cet été des anamorphoses sur une plage de sable fin, à la fois un plan et quelques conseils techniques leur permettant de réaliser des illusions d’optique convaincantes parce que dépourvues d’erreurs de tracé. Exemple :

20220827_133303

     

 

 

 

 

 

Méthode d'obtention du positionnement de chaque point-repère

     Pour fabriquer ces tracés j’ai commencé par établir les formules mathématiques qui, à partir de l’expression analytique (c’est-à-dire sous forme d’équations) d’une droite et d’un plan dans l’espace, permettent de calculer les coordonnées des points-repères à bien placer sur le sol pour obtenir un tracé voulu. En effet, c’est selon une ligne droite qu’un rayon visuel joint l’œil de l’observateur à la projection, sur le plan du sol, de tel point-repère au sol, et ceci en passant par l’endroit où se situe, dans l’espace, ce point-repère (ex. : pour un cube, une de ses huit extrémités) ; et c’est vrai aussi du rayon du soleil, qui crée, sur le plan du sol, l’extrémité d’une ombre bornée par tel point-repère.

     J’ai généralisé mes formules aux cas où, comme dans le cas d’une plage en pente ou d’un parking favorisant l’évacuation de l’eau de pluie, le sol sur lequel on dessine l’anamorphose n’est pas plan mais incliné dans le sens du regard (sol montant ou descendant) et/ou en dévers (inclinaison latérale, comme dans le cas des routes, à plat ou en pente, qui sont relevées dans les tournants).

     Puis j’ai créé, pour chacun des objets que je voulais représenter (un cube aux faces ornées de damiers 3x3, deux plots pyramidaux, l’accès à un garage souterrain, un escalier descendant vers un aquarium, … des objets que je décris en détail un peu plus loin), une petite base de données fournissant les coordonnées, dans l’espace, pour chacun des points-repères que j’ai choisis pour caractériser l’objet en question. En cas de points nombreux se déduisant les uns des autres selon une même logique (comme c’est le cas pour des marches d’escaliers) j’ai automatisé la procédure de calcul des coordonnées en question.

     Afin de pouvoir ajouter des ombres à mes tracés en anamorphose au sol, j’ai glané par ailleurs les informations nécessaires, concernant, à titre d’exemples, d’une part un lieu loin de la mer et, d’autre part, un lieu en bord de mer : pour chacun de ces deux lieux (chacun repéré par sa latitude et sa longitude) et tel jour de telle année (ce qui m’a amené à tenir compte de l’heure d’été/hiver), j’ai noté l’azimut et l’élévation du soleil d’heure en heure afin de pouvoir calculer, pour trois heures de mon choix, les limites des ombres, ceci à partir de la hauteur du soleil sur l’horizon (« élévation », sous forme d’angle en degrés, dans le plan vertical) et de la direction du soleil (« azimut », sous forme d’angle en degrés, dans le plan horizontal).

     Et, parce que, si on dessine sur l’estran d’une plage, le choix de l’heure à laquelle on fera une photo de l’anamorphose achevée (avec ses ombres) dépend, entre autres, de l’heure des marées, j’ai ajouté, aux informations précédentes, les horaires des marées pour les lieux de bord de mer que j’ai sélectionnés : on sait ainsi à la fois à quelle heure il faut absolument avoir fini le dessin (pour pouvoir le photographier avant que la marée montante ne l’efface) et quelle sera l’orientation et la longueur des ombres à ce moment-là, ce qui détermine leur tracé au sol.

 

Les objets que j’ai choisi de représenter

     Ces objets étant imaginaires, c’est à partir de dessins sur papier millimétré (et non pas à partir de mesures sur le motif) que j’ai repéré les coordonnées de chaque point-repère dans l’espace, ce qui est assez simple lorsqu'il s'agit d'un cube mais ce qui est sensiblement plus complexe s'agissant d'un temple grec, même simplifié.

     Ces objets sont les suivants :

* un cube dont les faces visibles peuvent être décorées par des carrés ombrés à la manière de damiers 3 x 3. Les valeurs des coordonnées (x, y, z) de chacune des huit extrémités de cette figure toute simple sont fonction de la valeur que l’on donne au paramètre fixant la longueur du côté du carré, si bien que l’on peut obtenir des plans de tracés pour autant de cubes que l’on veut, de taille déterminée. L’autre paramètre, pour ce cube supposé posé sur le sol face à l’observateur ou avec un certain décalage latéral, est relatif à l’angle que fait le cube avec le « plan du tableau » (qui est le plan vertical qui, situé entre l’observateur et l’objet, est perpendiculaire au plan vertical passant par le rayon visuel joignant l’œil de l’observateur au point de l’objet qui est le plus proche de l’oeil). Plus cet angle se rapproche de 45°, plus les deux faces latérales visibles le sont de façon voisine, en perspective, tandis que, avec un angle nul ou de 90°, on ne voit plus qu’une face latérale (l’objet est alors vu de face).

     Mon petit croquis ci-dessous, qui juxtapose verticalement une vue en perspective et une petite vue de côté du cube et de l’observateur, illustre le dispositif qui va donner l’illusion de l’existence d’un cube de côté long de 1,40 m disposé de sorte à former, du côté droit du tableau, un angle de 60° (si bien que la face verticale visible sur la partie droite du cube fuit davantage que son homologue du côté gauche). Ce croquis :

- fournit une idée de l’allure du volume du cube (de côté long de 1,4 m)

- mentionne les noms (lettres majuscules, O et de A à G) donnés aux différents points-repères (ici les 8 extrémités du cube, y compris le point B, invisible si le cube n’est pas translucide)

- montre ce qu’on appelle « plan du tableau » (un mur vertical, fictif et transparent, sur lequel on voit l’image du cube comme elle apparaîtrait si on avait accroché un tableau à ce mur)

- permet de voir ce qu’on désigne par « arête proximale » (c’est DO, l’arête verticale la plus proche de l’observateur)

- et représente trois rayons visuels (qui vont chacun de l’œil de l’observateur à un point-repère, en passant par le plan du tableau et en se prolongeant jusqu’au sol).

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    En l'occurrence, après avoir montré pourquoi il est inapproprié de choisir 1,40 m comme taille d'arête de ce cube, j'utiliserai un cube d'arête moins longue (1 m) et je montrerai, au moyen de ce type de petit cube, en quoi le dessin au sol se modifie lorsqu'on place l'observateur d'une part face au cube ou de manière décalée latéralement, et, d'autre part, avec un recul plus ou moins grand.

* deux plots (anti-stationnement) jumeaux, chacun en forme de pyramide tronquée de 40 cm de haut, avec une base carrée de 50 cm de côté et une face supérieure carrée de 30 cm de côté ; leurs bases sont alignées et éloignées de 50 cm

* une entrée de garage souterrain : de 2,10 m de largeur, elle plonge vers un sous-sol situé à 1,80 m de profondeur. Sur le mur de droite, une grosse flèche oriente vers l’entrée souterraine et précède une porte fermée par des barreaux. L’ouverture pratiquée au sol pour cet accès au parking est de longueur 5,70 m, ce qui correspond à une pente de 32%, qu’il faudrait sans doute réduire en allongeant la longueur de la fosse à défaut de pouvoir réduire de beaucoup la hauteur sous plafond pour le parking

* une tranchée de 5 m de large et 8 m de long, ouverte dans le sable mais à l’air libre, donnant accès à un espace servant de cadre à un vaste aquarium (fenêtre de 4 m de long et de 2 m de haut). On y accède par une volée de dix marches d’escalier, en bas desquels existe, à droite, une porte de sortie (de 2 m de haut et 1 m de large). Cet objet imaginaire s’inspire d’une photographie d’anamorphose reproduite supra.

* un temple dont la toiture est à deux pans longitudinaux, reposant sur les côtés supérieurs d’un fronton triangulaire. Ce temple, qui repose sur un socle bordé par deux marches d’escalier, comporte deux rangées de trois colonnes. Cet objet imaginaire s’inspire d’une anamorphose (cf. ci-dessus) réalisée par Jamie Harkins, sur une plage que les ombres de personnages indiquent être orientée face au sud (à la différence des plages de Bretagne nord).

L’observateur

      Il peut, quant à lui, peut être positionné n’importe où, au choix, pourvu que ses yeux soient à une hauteur excédant l’altitude du point-repère le plus élevé (sinon il n’y a pas, sur sol plat, de projection au sol pour ce point-là : le rayon visuel se dirige vers l’infini, sans jamais rencontrer le sol).

     Parce qu’il n’est pas toujours facile de trouver, pour dessiner des anamorphoses, une zone de plage à la fois pas trop fréquentée par les chiens et les jeunes enfants, et suffisamment proche d’une falaise, d’une dune ou d’un rocher assez haut et d’accès aisé (pour pouvoir y grimper assez fréquemment en cours de réalisation, afin de faire les vérifications nécessaires), j’ai choisi d’éviter au maximum les objets de hauteur excédant la taille humaine et j’ai, par défaut, fixé la hauteur des yeux à 1,60 m.

     Si, au lieu de placer l’observateur face au centre de l’objet (ou, en cas d’objet double comme dans le cas de mes deux plots jumeaux, au milieu de cet ensemble), on le déplace latéralement, le long de ce qu’on appelle le « plan (vertical) du tableau », on obtient une vue de l’objet non plus de face mais de côté (vue de droite ou vue de gauche).

Mes calculs et leurs résultats (valeurs des coordonnées des points-repères + graphiques)

     J’ai laissé à un logiciel de calcul [1] (sur ordinateur personnel) le soin de faire, en utilisant les formules que j’ai établies et que je lui ai fournies, les calculs des coordonnées, sur le plan du sol, de chacun des points-repères et d’en afficher les valeurs sous forme de tableau de chiffres. Et j’ai fait de même pour l’image que le dessin au sol donne l’impression de voir dans le plan du tableau.

      D’où, en continuant à prendre pour exemple le cube de 1,40 m de côté illustré ci-dessus par mon petit croquis, des résultats du type suivant :

a) les coordonnées (en mètres) des points-repères à positionner sur le plan du sol

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       Ce petit exemple permet de voir que, lorsque les yeux de l'observateur ne surplombent que de peu le point le plus élevé de l'objet (c'est le cas ici car seuls 20 cm séparent l'altitude de la face supérieure du cube, située à 1,40 m de hauteur, de celle les yeux de l'observateur) et lorsque (cas du point F du cube) ce point n'est pas très près des yeux de l'observateur, alors le dessin à tracer au sol va s'étirer très loin (ici 22,3 m), ce qui pose de multiples problèmes : pour positionner correctement ce point sur la plage, pour le relier par des traits vraiment rectilignes aux points auxquels il doit l'être, pour gratter d'immenses surfaces si un de ces traits borne une face à ombrer, pour labourer suffisamment profondément le sol de sorte que, de loin, les traits concernés restent bien visibles, pour photographier l'anamorphose dans toute sa largeur, etc.... sans parler du fait que, lorsque de la surface est très étendue, il est plus difficile d'éviter qu'elle n'inclue des mares, des algues et des cailloux ; et les risques s'accroissent alors aussi de voir des enfants ou des chiens défoncer une partie du dessin au sol (en courant dessus, en jouant dans la mare,...) comme ce fut le cas avec l'essai ci-dessous :

20220825_135405   20220825_135351

b) un plan de tracé au sol, qui, en utilisant les coordonnées ci-dessus, situe chacun des points en question par rapport aux autres.

     Du fait que je n’ai pas indiqué au logiciel comment relier tout seul, par des droites, les points-repères qui doivent l’être, il faut tracer soi-même ces droites, avec une règle, sur une version imprimée de ce plan de tracé ; il faut alors bien veiller à ne relier que les points-repères qui doivent l’être, et donc s’assurer qu’on ne trace pas des droites ou morceaux de droites qui sont cachés à l’observateur (ici les trois arêtes du cube qui convergent vers le point B – et, a fortiori, les diagonales internes du cube, comme FC ou AG !).

         13  soit, en joignant les points : 14

     Ces graphiques confirment que, du fait que, dans le cas de figure choisi, les yeux de l’observateur ne surplombent que de peu (20 cm) la face supérieure du cube, les projections des quatre coins de la face supérieure (D, E, F et G) sur le sol seront à aller dessiner très loin : il faudra disposer, pour l’ensemble du tracé, d’une surface rectangulaire de 16 m de large sur 23 m de profondeur, soit 368 m², plane et bien dégagée, et être capable de tracer avec un sillon très profond - pour créer de'importants déchets de sable - des droites bien rectilignes d’une longueur allant jusqu’à plus de 11m (distance séparant deux quelconques des extrémités contiguës de la face supérieure).

      Le caractère assez irréaliste de ces exigences incite à faire porter les dessins en anamorphose sur des objets non seulement moins hauts sur le sol que la taille d'un homme (ce qui disqualifie des volumes de type temple grec, sauf existence, à proximité immédiate, d'un point nettement plus élevé et très aisément accessible - falaise, dune haute,...) mais bien moins hauts qu'un homme (ex. : cube de 1 m de côté, ménageant 60 cm de différence avec la hauteur des yeux) ou en sous-sol, comme c’est la pratique courante des artistes qui dessinent à la craie sur des trottoirs.

       Signalons au passage que, si on veut prendre, de ces oeuvres éphémères et avant que la marée montante ne les recouvre inexorablement, des photos depuis le point à partir duquel une anamorphose doit être vue, il faut éviter que l'emplacement de l'observateur soit trop près de l'objet à représenter car, alors, on n'aurait pas le recul nécessaire pour prendre une photo englobant l'entièreté du dessin, en largeur certes mais aussi en hauteur (ce qui est impossible sans recul). On peut en revanche prévoir, pour l'observateur, soit un emplacement tel que l'objet lui fasse face en son centre, soit une position marquée par un décalage latéral, à droite ou à gauche, de plusieurs mètres (qui peut suppléer à l'absence de recul).

c) pour faciliter les vérifications, je fournis enfin l’image (créée par le trompe-l’œil dessiné sur le sol) que l’on doit voir, comme on la verrait sur un tableau suspendu à un mur, si on se place au bon endroit. Comme pour le tracé au sol, il faut, pour ce tracé dans le plan du tableau, relier soi-même, par des droites et au moyen d’une règle, sur une version imprimée de ce plan de tracé, les points-repères ceci en veillant, ici aussi, à ne relier que les points-repères qui doivent l’être.

         

15   soit, en joignant les points :    16

      On remarquera la très nette dissemblance entre l’image que l’on veut faire voir au spectateur (point b ci-dessus) et le tracé qu’il faut réaliser sur le sol (point a ci-dessus) pour réussir ce trompe-l’œil : au sol, la face supérieure du cube occupe une place considérable, tandis que l’image ainsi produite réduit cette face à une place très modeste. Et encore les déformations nécessaires pour produire l’effet de trompe-l’œil qui est recherché sont-elles limitées, dans cet exemple, par le fait que l’observateur est placé face à l’objet et non pas sur le côté, et par le fait que le terrain est supposé plat, et donc ni incliné ni en dévers : même sur terrain plat, un déplacement latéral de l’observateur gauchirait tout le tracé au sol ; bien malin serait alors celui qui serait capable de trouver sans calculs ce qu’il faudrait dessiner sur le sol.

     Je fournis infra (après avoir traité de la question des ombres) trois plans au sol alternatifs qui, du fait du choix d’un cube de moindre taille (arête de 1 m et non plus 1,40 m), sont plus réalistes que celui que je viens de présenter ; ils ne diffèrent entre eux que de par la position de l’observateur (dont les yeux sont toujours supposés être à 1,60 m du sol).

     Pour ne pas alourdir ces tracés, je n’ai fait figurer, sur ces trois tracés alternatifs, ni les points nécessaires à l’ajout de damiers sur chacune des trois faces visibles du cube, ni les points facilitant le tracé de l’ombre du cube (ombre portée sur le sol, dont l’orientation et la longueur sont fonction de l’azimut et de l’élévation du soleil à cet endroit-là et ce jour-là… et de l’absence de nuages !).

     Voici néanmoins, à titre illustratif, ce que produisent mes calculs quand je spécifie que je désire obtenir les coordonnées des coins de chaque carré figurant sur les trois damiers ornant les faces visibles du cube (de 1,40 m de côté, vu de face avec un recul de 1 m) et que je relie ces points-repères.

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   … ce qui sera vu, du bon endroit, comme : 

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ce qui suppose qu’on dispose d’un agrandissement du plan de tracé au sol pour la partie inférieure du cube, qui occupe les deux tiers de l’image vue et qui doit donc être tracée au sol avec précision alors que les représentations des extrémités des cases de ses damiers sont, vu l’échelle imposée au dessin par les éléments de la face supérieure (qui occupent une vaste surface au sol mais qui ne seront pas beaucoup vus à distance), enchevêtrées. Un plan complémentaire de tracé au sol excluant les points de la face supérieure produit un effet de zoom sur la partie inférieure du cube, ce qui permet de distinguer les divers points à placer sur le sol pour obtenir un tracé produisant l’image cherchée. Cette nécessité de plan complémentaire en cas de points très éloignés (qui obligent à adopter une échelle inadaptée aux points à tracer sur le sol à faible distance de l’observateur) disparaît si on évite des plans au sol trop étirés.

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     Faut-il ajouter, aux dessins d'anamorphoses sur le sable, les ombres portées ?

      Le dessin des ombres portées au sol par le cube ne s'impose pas dans tous les cas ; je dirai même que, expérience faite, je suis dubitatif quant à son intérêt.

      En effet, non seulement leur utilité n'est patente que si, lorsque le tracé au sol (ombres incluses) sera achevé, il fera soleil, mais, même dans cette hypothèse, la représentation des ombres portées peut être contre-productive en termes d'illusion créée car, sauf en cas de soleil très voilé, le contraste tonal est trop fort entre les ombres réelles (très foncées) et le ton assez pâle qu'on peut arriver à obtenir en grattant beaucoup le sable pour rendre grise la zone concernée.

     De ce fait l'oeil de l'observateur regardant une anamorphose sera intrigué par l'incohérence manifeste entre la grisaille du dessin au sol lorsqu'il s'agit d'une ombre portée par l'objet et la quasi-noirceur des ombres portées sur la plage par les rochers avoisinants ou par les passants, ce qui sapera la crédibilité du trompe-l'oeil.

     A ces difficultés s'ajoute le fait que, à la différence des contours de l'objet représenté et de ses ombres propres(dont les tracés des contours sont valables en tout lieu et à tout moment), les ombres portées ne sont pas uniques mais multiples : leurs formes dépendent en effet du lieu, du jour et de l'heure puisqu'elles sont censées être créées par le soleil, dont l'élévation (hauteur dans le ciel) et l'azimut (angle par rapport au nord) dépendent de ces trois paramètres. Dès lors, non seulement il faut faire calculer les contours des ombres pour des jour, heure (d'achèvement supposé du dessin au sol) et lieu déterminés, mais il faut en outre choisir, pour l'objet fictif, une orientation particulière (ex. : plan du tableau allant, de gauche à droite, de 225° à 45°, c'est-à-dire du sud-ouest au nord-est si on veut des ombres portées s'allongeant vers la droite - cohérentes avec des ombres propres situées de ce même côté).

     Cerise sur le gâteau : si on compte, une fois le dessin au sol achevé, placer dessus, ou à proximité immédiate, un objet réel (ex. : parasol) ou une vraie personne (ex. : semblant monter l'escalier dessiné en anamorphose, ou sauter d'un plot à l'autre, etc.),

DSC02663

il faut intégrer ce facteur dans le choix de l'orientation. En effet, pour ne pas créer d'incohérence entre les ombres vraies, bien sombres s'il y a du soleil, et les ombres portées telles que figurées sur la plage par du sable remué, l'idéal consiste à s'arranger pour que les objets ou personnes réelles cachent derrière elles leur propre ombre parce que, de là où sera prise la photo (à savoir LE point de vue de cette anamorphose-là, que le personnage verra situé à l'aplomb du soleil face à lui), on ne verra alors nul contraste entre ombres portées réelles (noires mais cachées) et ombres portées figurées (grisées).

Si le soleil venait de l'emplacement occupé par le photographe, la photo ci-dessous illustrerait une telle absence d'ombre portée réelle (cachée derrière le personnage). En l'occurrence, cette photo n'a pas été prise du bon endroit, ce qui fait que le chambranle de la porte  et le coin entre les deux pans de mur n'apparaissent pas verticaux) et elle révèle deux lacunes d'ombrage : j'aurais dû noircir au maximum le mur entourant la vitre de l'aquarium (car il est censé être très à l'ombre et le contraste avec la vitre eût été bienvenu) et j'aurais dû griser un peu le mur à droite, en laissant la porte dans son ton clair, pour la faire mieux ressortir.

DSC02750

      Dans ces conditions mieux vaut sans doute renoncer aux ombres portées (sur le sol ou, a fortiori, sur des objets voisins) et s'en tenir aux ombres propres car elles s'accommodent bien, elles, en revanche, d'un ton grisé, dont le sable gratté fournit l'illusion. La contrainte que fera alors porter, sur l'orientation de l'objet, l'éventualité de la présence d'objets réels dans le champ de la photo finale sera alors allégée car il suffira d'éviter l'incohérence manifeste que constituerait la présence simultanée d'une face ombrée (au sol) située d'un certain côté de l'objet (à sa droite, par exemple) et de l'ombre réelle située du côté opposé. Il faut espérer que l'observateur, tout occupé à admirer l'illusion d'optique créée par un tracé en 2D au sol pour faire croire à la réalité d'un objet 3D posé sur le sol, ne prêtera pas attention à l'absence, sur le côté de l'objet fictif, d'une ombre portée.

      Mais supposons cependant qu'on tienne à intégrer, au dessin d'anamorphose, des ombres portées.

      Il est alors bien difficile d’imaginer leur localisation et de les tracer "de chic". Pour éviter les erreurs grossières de positionnement de ces ombres il faut donc recourir à des calculs ; avec, pour justification supplémentaire, la nécessité de produire autant de plans de tracés d'ombres portées qu'on envisage de combinaisons de lieu (plage), de jour de tracé (compte tenu des marées) et d'heure d'achèvement supposé du dessin au sol : une multiplicité de résultats qui exige le recours à des procédures automatiques paramétrées (en l'occurrence, à des macro-programmes SAS, dont chaque appel se fait alors très simplement, en quelques lignes de code précisant les valeurs des paramètres).

       C’est cette difficulté qu’illustre le dessin ci-dessous, qui ajoute, au tracé de l’anamorphose du cube lui-même le tracé, en trompe-l’œil lui aussi bien sûr, de l’ombre portée que le cube projettera le 25 août 2022 à 14 h sur telle plage (restant ici anonyme car, comme on l'a entendu dire à un habitant du coin : "C'est la plus belle plage du monde, alors pourquoi aller ailleurs ?"). Comme il est souhaitable que les ombres des objets représentés ne franchissent pas le mur (fictif) du plan du tableau (car l’observateur situé peu en retrait de ce plan ne pourrait alors pas les voir dans leur intégralité puisqu’elles s’étendraient dans ce cas à la fois devant et derrière lui), j’ai fait en sorte que le logiciel exclue automatiquement ces ombres transgressives – ce qui est ici le cas des ombres de 15h et 16h.

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     Cette question des ombres portées étant réglée, illustrons la variabilité des tracés à effectuer sur le sable de la plage selon que l'on assigne tel ou tel emplacement à l'observateur.

 

Trois plans au sol alternatifs pour un cube de 1 m d'arête vu de trois endroits différents

Ces trois emplacements sont les suivants :

* tracé avec observateur placé face à l’arête proximale du cube, à une distance de 1 m seulement de celle-ci : cette faible distance aboutit à un tracé au sol qui sera large mais qui ne nécessitera pas de tracer de très longues droites fuyantes

* tracé avec observateur placé face à l’arête proximale du cube, à une distance de 3 m de celle-ci : ce recul va aboutir à allonger la profondeur du dessin au sol car les rayons visuels ne feront, avec le sol, que de petits angles

* tracé avec observateur placé non plus face à l’arête proximale du cube, mais de côté (déplacement latéral de 1 m vers la gauche, parallèlement au plan du tableau – une distance de 2 m empêcherait de voir la face droite ODEA et ferait apparaître la face arrière CGFB) à une distance de 3 m du plan du tableau. Ce déplacement latéral de l’observateur fait que l’image sur le plan du tableau se trouve un peu déformée, et le tracé au sol l’est aussi.

 1. Tracé avec observateur placé face à l’arête proximale du cube (de 1 m de côté), à une distance de 1 m de celle-ci

Ici le tracé au sol n’exige qu’un terrain de 3,6 m de large et de 5,3 m de long, donc 19 m² (soit presque 19 fois moins que les 368 m² de surface rectangulaire – 16 m de large sur 23 m de profondeur – nécessaires en cas de cube de 1,40 m de haut). Le trait rectiligne le plus long n’excèdera pas 2,7 m (versus 11 m dans le cas du cube de 1,40 m de côté).

coordonnees au sol de cube arete 1 m recul 1m sans decalage lateral

 

  d'où le graphique suivant, que je fais produire par le logiciel en essayant de lui faire respecter des échelles identiques pour les deux axes :

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      Il reste alors à imprimer ce plan et à lui ajouter les traits reliant les points-repères situés aux extrémités d'une arête visible (ce qui n'implique jamais le point B). Le résultat, que j'affiche ailleurs sur ce blog (http://anamorphoses55.canalblog.com/archives/2022/01/08/39623380.html) peut être téléchargé et sera le guide du tracé des sillons sur le sable de la plage.

      Au même endroit je fournis la photo de ce que donne le graphique (brut de décoffrage) ci-dessous lorsqu'on relie par des traits les points repères devant l'être (je vous suggère de le faire sur le graphique ci-dessous, à titre d'exercice) ; on voit alors apparaître le cube dans le plan du tableau, c'est-à-dire tel que l'observateur, placé à l'endroit idoine, le verra :

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2. Tracé avec observateur placé face à l’arête proximale du cube (de 1 m de côté), à une distance de 3 m de celle-ci

Ce recul va aboutir à allonger la profondeur du dessin au sol car les rayons visuels ne feront, avec le sol, que de petits angles.

Ici le tracé au sol exige un terrain moitié plus grand que dans le cas précédent : toujours de 3,6 m de large mais de 8,6 m de long (vs 5,3 dans le cas précédent), donc 31 m² vs 19 m² (soit presque 12 fois moins que les 368 m² de surface rectangulaire nécessaires en cas de cube de 1,40 m de haut). Le trait rectiligne le plus long n’excèdera pas 2,7 m, comme dans le cas précédent (vs 11 m dans le cas du cube de 1,40 m de côté).

 coordonnees au sol de cube arete 1m recul 3m sans decalage lateral

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3. Tracé avec observateur placé non plus face à, mais à 1 m à gauche, de l’arête proximale du cube (de 1 m de côté), à une distance de 3 m de celle-ci

 coordonnees au sol de cube arete 1m recul 3m decalage lateral 1m a gauche

  Ce déplacement latéral de l’observateur de 1m vers la gauche, parallèlement au plan du tableau, tout en restant à une distance de 3 m de celui-ci fait que l’image sur le plan du tableau se trouve un peu déformée, et le tracé au sol l’est aussi.

Ici le tracé au sol exige un terrain un tout petit peu plus grand que dans le cas précédent : 34 m² contre 31 m² (3,9 m de large et non plus 3,6 m, mais encore 8,6 m de long). Le trait rectiligne le plus long n’excèdera pas 2,7 m, comme dans les deux cas précédents (vs 11 m dans le cas du cube de 1,40 m de côté).

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 Suggestion : pour vous familiariser progressivement avec le dessin d'anamorphoses sur une plage, dessinez au sol un ou plusieurs de ces trois tracés et demandez aux spectateurs de trouver, en se déplaçant à proximité de vos dessins, les points d’où chacune de ces anamorphoses doit être vue pour produire son plein effet. Ce sera facile pour eux si l’objet comporte des verticales visibles (car il suffira alors de se placer au point d'intersection des prolongements ces sillons), mais moins évident en l’absence de ce type de guide. En tout cas, ils réaliseront que chaque anamorphose ne doit être vue que d'un point particulier, sinon le dessin au sol n'évoque rien du tout ou bien il paraît bancal (si on n'est pas très loin de la bonne position).

 

Les limites des tracés que j'obtiens par ma méthode (dans son état actuel)

 * pour chaque objet à représenter il m'a fallu d'abord saisir les coordonnées, dans l’espace, d'un certain nombre de points repères

* ceux-ci sont en nombre relativement limité (lorsqu'on dépasse la cinquantaine, les graphiques deviennent difficiles à lire et l'emplacement des lettres identifiant les points, qui est choisi par le logiciel de sorte à éviter les superpositions de lettres, rend parfois délicat le lien à faire entre telle lettre et tel point)

* ces points repères ne caractérisent que des objets anguleux, dont les points-repères peuvent être joints par des tracés rectilignes. Si l'objet inclut des formes courbes (cylindres, sphères, cônes, tores, etc.), les points-repères deviennent dépendants de la position de l'observateur et on n'a donc plus un jeu de données unique pour tel objet mais autant de jeux de données que de positions de l'observateur par rapport à cet objet (voir le message de ce blog que j'ai spécifiquement dédié au cas des colonnes du temple grec, pour lesquelles les points-repères sont les points de tangence des rayons visuels avec les bords des colonnes)

* les calculs sont certes précieux en ce qu’ils fournissent des valeurs numériques pour les coordonnées des projections de chacun des points repères, à la fois sur le sol (éventuellement incliné et en dévers) et sur le plan du tableau, et cela que les points-repères se situent au-dessus ou en dessous du sol

* mais, pour obtenir, sur la version papier, des dessins évocateurs, il faut relier soi-même, par des droites, les points-repères qui doivent l’être (ce qui n'est pas toujours évident car rien, sur le graphique de points qui est fourni, n’indique quels points-repères sont à relier entre eux : il faut considérer l’objet et discerner quelles sont les arêtes visibles et donc à tracer)

* par ailleurs les graphiques de tracés au sol et sur le plan du tableau que je fournis ne sont pas tous caractérisés par des échelles exactement identiques horizontalement et verticalement, bien que je m'efforce de me rapprocher du cas d'axes orthonormés

* et, si les calculs permettent d’obtenir aussi les points qui, au sol, délimitent les contours rectilignes des ombres pour trois heures au choix, ils ne fournissent pas (pour l’instant, du moins) ce type de contour pour l’image visible sur le plan du tableau

* il n'est pas toujours évident non plus de déterminer quels points sont à relier entre eux pour construire les ombres ; or ce n’est pas toujours simple, d’autant que les traits en question joignent parfois un point visible et un point caché : dans ce cas la droite délimitant l’ombre s’arrête avant d’atteindre le point caché, vers laquelle elle tend cependant

* en cas d’objets multiples (ex. : deux plots jumeaux) dont l’un fait, à certaines heures au moins, de l’ombre à un autre, aucune indication numérique n’est fournie pour délimiter les contours de ces ombres portées non pas sur le sol mais sur les faces, verticales ou inclinées, d’une partie de l’objet à représenter

* il serait souhaitable de fournir des dessins prenant aussi en compte les ombres propres (qui sont celles qui affectent les faces moins éclairées que les autres) mais, à la différence des logiciels d’éclairage (qui sont capables de combiner les ombres créées par plusieurs sources lumineuses, y compris la lumière indirecte qui émane par exemple d'un mur blanc très éclairé directement), mes calculs n’offrent pas ce type de résultats : sur une plage, les zones à ombrer ne le sont que de façon rudimentaire, en les labourant plus ou moins profondément et de façon plus ou moins serrée ou entrecroisée, avec une pointe (de parasol, par exemple) ou un petit râteau (en plastique, pour enfants), ou en saupoudrant avec - si on en dispose - du sable sec (et donc plus blanc) les zones les plus éclairées.

 

Voilà ! A vous de jouer !

Les schémas ci-dessus et les tableaux de coordonnées devraient vous permettre d'éviter des erreurs grossières de tracé en perspective, à la différence de celles que j'ai commises, ô honte, à l'été 2021 (avant d'entreprendre mes calculs - et ce sont ces erreurs qui m'ont convaincu de la nécessité de le faire) en matière d'inclinaison des colonnes proximales du temple grec ci-dessous :

                                                  temple grec Kerfissien 2021



[1] J’aurais pu utiliser pour cela un tableur comme Excel. Mais, insuffisamment familier avec le langage de programmation d’Excel pour lui faire faire les calculs répétitifs (comme ceux relatifs aux coordonnées des extrémités de chacune des marches d’un escalier) ou pour automatiser les traitements à partir de la fourniture de la position de l’observateur et des caractéristiques des objets à représenter, c’est avec le logiciel SAS que j’ai écrit le code des macro-programmes réalisant les tâches de calcul et de représentation graphique.

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